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Auteur : Le Scouëzec Heol Loïc Gwennglan (Gwenc'hlan Le Scouëzec)
Ouvrage : Le combat de Plogoff
Année : 1981

Lien de téléchargement : Le_Scouezec_Heol_Loic_Gwennglan_-_Le_combat_de_Plogoff.zip

Le vendredi 14 mars 1980. Au-dessous du bourg de Cleden, nous avons franchi les fonds boueux qui avoisinent le ruisseau. Nous étions en Plogoff. Par des détours insoupçonnés du bocage, les gens arrivaient de partout, s’infiltraient progressivement dans la commune interdite. Dans la raide montée, nous avons hésité : fallait-il continuer droit devant nous ou bien prendre un chemin à droite ? Finalement, nous nous sommes enfoncés dans des sentiers creux où l’épine noire encore nue, mais dense de ses branches nous cachait à la vue. Et sillonnant à flanc de coteau, nous arrivions bientôt au-dessous des quelques maisons d’un hameau. Un paquet de gendarmes mobiles se tenait là, mais, les délaissant, nous allions sauter dans le champ voisin et de là gagner la route qui filait vers la Pointe. Nous étions à la Croix de Trogor. Vendredi 14 mars 1980. Huit mille personnes étaient présentes. C’était le dernier jour de l’enquête dite d’utilité publique. Sur le territoire entier de la commune, il devait se trouver dix mille gendarmes mobiles. Troupes d’occupation casquées, matraque en main, boucliers ronds et translucides à l’avant-bras, sûres de leur supériorité sur la population aux mains nues, suintant le malaise, imposant à ce pays de ciel et de mer la lourde autorité d’un État lointain et les décisions de bureaucrates planificateurs, ils apportaient ici la pesanteur de la provocation, à l’entour de ces deux misérables camionnettes baptisées mairies-annexes et coincées, en vertu de ce diktat, entre dix cars couleur bleu de France et dix autres nuances caca d’oie. Il y avait un mois et demi que cela durait. Jour après jour, les manifestations de colère avaient succédé aux manifestations de colère, enchaînant en une longue série de révoltes, les barricades de pierres et de bois, les carcasses de voitures enflammées, les arbres tronçonnés en travers des chemins, les coupures de route, les déversements d’ordures que les forces de l’ordre devaient dégager le matin à l’arrivée de leur convoi. Et derrière tout cela, s’était affirmée, avec la solidité d’un roc, la volonté unanime d’un peuple de repousser l’invasion nucléaire, de défendre à tout prix sa terre de la pollution et de la mort. Les hommes et les femmes de Plogoff ont donné au monde un magnifique exemple de résistance. ...