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Herrigel Eugen - Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc


Auteur : Herrigel Eugen
Ouvrage : Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc
Année : 1953

Lien de téléchargement : Herrigel_Eugen_-_Le_Zen_dans_l_art_chevaleresque_du_tir_a_l_arc.zip

Préface. Un des caractères qui nous frappent le plus dans l’exercice du tir à l’arc, et en fait de tous les arts tels qu’on les étudie au Japon – et probablement aussi dans d’autres pays d’Extrême-Orient – c’est qu’on n’en attend pas des résultats simplement utilitaires ou des jouissances uniquement esthétiques, mais qu’on y voit un moyen de former le mental, et même de le mettre en contact avec la réalité ultime. Aussi le tireur à l’arc ne se propose-t-il pas seulement de toucher la cible ; l’escrimeur ne manie pas son épée uniquement pour triompher de son adversaire; le danseur ne danse pas simplement pour exécuter avec son corps certains mouvements rythmés. Il faut d’abord que le mental se mette au diapason de l’Inconscient. Si l’on veut vraiment maîtriser un art, les connaissances techniques ne suffisent pas. Il faut passer au-delà de la technique, de telle sorte que cet art devienne « un art sans artifice », qui ait ses racines dans l’Inconscient. Dans le cas du tir à l’arc, celui qui lance et celui qui reçoit ne sont plus deux entités opposées, mais une seule et même réalité. L’archer n’a plus conscience de lui-même comme d’un être occupé à atteindre le centre de la cible devant lui. Et cet état de non-conscience ne s’obtient que lorsque l’archer, parfaitement vidé et débarrassé de son ego, ne fait plus qu’un avec l’amélioration de son habileté technique – bien qu’il y ait dans cette habileté quelque chose d’un ordre tout différent que ne peut donner aucune étude méthodique du tir à l’arc. Ce quelque chose d’un ordre tout différent est ce qu’on appelle le satori. C’est de l’intuition, mais c’est tout autre chose que l’intuition ordinaire ; je l’appelle intuition prajnique. On peut traduire prajnâ par sagesse transcendantale, mais cela ne rend pas toutes les nuances du sens, car prajnâ est une intuition qui saisit à la fois la totalité et l’individualité des choses. C’est une intuition qui, sans médiation d’aucune sorte, voit que zéro est l’infini et que l’infini est zéro. Et cela ne constitue pas une indication symbolique ou mathématique, mais un fait d’expérience résultant d’une perception directe. Psychologiquement parlant, le satori consiste donc en un outre-passement des limites de l’ego; logiquement, c’est voir la synthèse de l’affirmation et de la négation ; métaphysique-ment, c’est savoir par intuition que le devenir est l’être et l’être le devenir. La différence la plus caractéristique entre le Zen et tous les autres enseignements religieux, philosophiques et mystiques, c’est que sans jamais sortir de notre vie quotidienne, avec tout ce qu’elle a de concret et de pratique, le Zen a en lui quelque chose qui le fait se tenir à l’écart de la scène où se déroule tout ce que le monde a de sordide et d’agité. Et cela nous amène aux rapports entre le Zen et le tir à l’arc – et d’autres arts tels que l’escrime, l’arrangement des fleurs, la cérémonie du thé, la danse, les beaux-arts. Le Zen est « l’esprit de tous les jours », comme l’a défini Ma-tsou1, et cet « esprit de tous les jours » n’est pas autre chose que « dormir quand on a sommeil, manger quand on a faim ». Dès que nous réfléchissons, délibérons, conceptualisons, l’inconscience originelle se perd et une pensée s’interpose. Nous ne mangeons plus lorsque nous mangeons, nous ne dormons plus lorsque nous dormons. La flèche a quitté la corde, mais elle ne vole pas directement vers la cible, et la cible n’est plus où elle est. Le calcul qui est faux-calcul s’en mêle. Tout le tir à l’arc en est faussé. La confusion qui s’est glissée dans l’esprit de l’archer se traduit dans tous les sens et dans tous les domaines. L’homme est bien un roseau pensant, mais ses plus grandes œuvres se font quand il ne pense ni ne calcule. Il nous faut redevenir « comme des enfants » par de longues années d’entraînement à l’art de l’oubli de soi. Quand cela est réalité, l’homme pense et pourtant il ne pense pas ; il pense comme les ondées qui tombent du ciel; il pense comme les vagues qui déferlent sur l’océan ; il pense comme les étoiles qui illuminent le ciel nocturne ; il pense comme le vert feuillage qui bourgeonne dans la paix de la brise vernale. En vérité, il est les ondées, l’océan, les étoiles, le feuillage. Lorsqu’un homme est parvenu à cet état de développement « spirituel », il est un artiste Zen de la vie. Il n’a pas besoin, comme le peintre, de toiles, de pinceaux et de couleurs ; il ne lui faut pas, comme à l’archer, l’arc, la flèche, la cible et tous les accessoires. Il a ses membres, son corps, sa tête et tout ce qui s’y rattache. Sa vie de Zen s’exprime au moyen de tous ces « outils », importants pour sa manifestation. Ses mains et ses pieds sont les pinceaux ; l’univers entier est la toile sur laquelle il peint sa vie pendant 70, 80 ou même 90 ans. Ce tableau s’appelle « l’histoire ». Hôyen de Gosozen2 disait : « Voici un homme qui verse la vacuité de l’espace dans une feuille de papier, les vagues de l’océan dans un encrier et le mont Sumeru dans un pinceau en écrivant ces cinq caractères : so-shi-saï-raï-i3. Devant lui j’étale mon zagu4 et je me prosterne. » On peut fort bien se demander ce que signifie cette façon fantastique d’écrire et pourquoi celui qui accomplit une telle prouesse est digne d’un immense respect. Un maître Zen répondrait peut-être : « Je mange quand j’ai faim, je dors quand j’ai sommeil ». Si son esprit est tourné vers la nature, il peut aussi dire : « Hier il faisait beau et aujourd’hui il pleut ». Mais pour le lecteur, la question peut continuer de se poser : « Où est l’archer ? ». Dans cet admirable petit livre, M. Herrigel, philosophe allemand qui est venu au Japon et s’est adonné au tir à l’arc pour arriver à comprendre le Zen, donne de sa propre expérience un récit qui nous éclaire. Dans sa manière de s’exprimer, le lecteur occidental trouvera une façon moins étrange et plus familière d’aborder le problème de cette expérience orientale quelque peu inaccessible. Daisetz T. Suzuki. Mai 1953. ...

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