Auteur : Demartial Georges
Ouvrage : La légende des démocraties pacifiques
Année : 1939
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PROLOGUE En 1922, Bertrand Russell, le grand philosophe et mathématicien anglais, publia une petite brochure intitulée : Free thought and official propaganda (La liberté d'opinion et la propagande officielle). En voici quelques passages. « Les moyens d'acquérir la vérité sont bien connus. Ils consistent à entendre le pour et le contre, à vérifier les faits, à contrôler notre propre opinion en discutant les opinions adverses, à prendre habitude d'écarter toute hypothèse non justifiée. « Si ces procédés étaient appliqués dans le domaine de la politique, la guerre par exemple deviendrait impossible, parce qu'on comprendrait dans chaque camp qu'il y a des torts dans les deux camps... « Mais il n'en est rien. Prenez l'enseignement de l'histoire dans les livres scolaires. Quand un homme écrit sa biographie, il est tenu à une certaine modestie ; mais s'il s'agit de celle de la nation, la gloriole et la vantardise sont de règle, et sans limites... « Dans tous les pays, le but de l'éducation publique est de faire croire aux enfants des absurdités qui, le moment venu, les amèneront à accepter de mourir pour la défense de sinistres intérêts, en croyant que c'est pour la vérité et le droit... « Une véritable liberté d'opinion supposerait l'égalité de diffusion des diverses opinions. Celle qui dispose de plus d'argent, surtout si elle a en outre le gouvernement pour elle, a naturellement une diffusion bien plus grande... « La propagande, telle qu'elle est pratiquée par les politiciens et gouvernements modernes, a emprunté les procédés de la publicité commerciale. Elle est un moyen de gouvernement adopté dans tous les États avancés, et sert tout spécialement à créer l'opinion dans les démocraties... « Il faudrait apprendre aux enfants non à croire mais à douter... les habituer à penser par euxmêmes. « La crédulité est un mal plus grand aujourd'hui qu'autrefois. D'une part, grâce au développement de l'instruction, il est plus facile de répandre l'erreur. De l'autre, dans une démocratie, les gouvernants ont plus besoin que ceux de jadis de répandre l'erreur. D'où l'accroissement du nombre des journaux. » Or le 1er juin 1938, M. Chautemps, vice-président du Conseil des ministres, à une réunion offerte à des journalistes étrangers, leur dit : « La propagande est une chose dont on ne peut pas parler dans un État démocratique. C'est un acte dictatorial. Propagande et régime démocratique sont deux idées qui s'excluent. » M. Chautemps a dit aussi : « La profession de journaliste est la plus belle de toutes. Elle peut être affreuse si elle est au service d'intérêts et de passions. » Il estime donc que dans notre démocratie la presse ne se met pas au service d'intérêts ou de passions. Sans quoi il n'aurait pas tenu ce langage aux journalistes étrangers. Voilà deux opinions diamétralement opposées. Le danger des démocraties, dit le sociologue anglais, c'est la facilité avec laquelle l'opinion se laisse prendre à la propagande du gouvernement et des journaux ; il faudrait donc y développer le plus possible l'esprit critique. Le privilège des démocraties, dit l'homme d'Etat français, c'est que la propagande du gouvernement et des journaux y est inconnue, et y serait impossible ; on ne les trompe pas et on ne pourrait les tromper. Pour savoir qui a raison, référons-nous à un sujet qui domine de haut tous les autres, celui de la paix et de la guerre, et voyons si, dans les démocraties, la propagande en est exclue. ...
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