Auteur : Eberhardt Isabelle
Ouvrage : Le Major
Année : 1903
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Tout, dans cette Algérie, avait été une révélation pour lui... une cause de trouble - presque d'angoisse. Le ciel trop doux, le soleil trop resplendissant, l'air où traînait comme un souffle de langueur, qui invitait à l'indolence et à la volupté très lente, la gravité du peuple vêtu de blanc, dont il ne pouvait pénétrer l'âme, la végétation d'un vert puissant, contrastant avec le sol pierreux, gris ou rougeâtre, d'une morne sécheresse, d'une apparente aridité... et puis quelque chose d'indéfinissable, mais de troublant et d'enivrant, qui émanait il ne savait d'où, tout cela l'avait bouleversé, avait fait jaillir en lui des sources d'émotion dont il n'eût jamais soupçonné l'existence. En venant ici, par devoir, comme il avait étudié cette médecine qui devait faire vivre sa mère aveugle, ses deux soeurs et son petit frère frêle, comme il avait vécu et pensé jusqu'alors, il s'était soumis à la nécessité, simplement, sans entraînement, sans attirance pour ce pays qu'il ignorait. Cependant, depuis qu'il avait été désigné, il n'avait voulu rien lire, sans savoir de ce pays où il devait transporter sa vie silencieuse et calme, et son rêve triste et restreint, sans tentatives d'expression, jamais. Il verrait, indépendant, seul, sans subir aucune influence. Dès son arrivée, il avait dû écouter les avertissements de ses nouveaux camarades qui le fêtaient et qu'il devinait ironiques, protecteurs, dédaigneux de sa jeunesse inexpérimentée, soucieux surtout de leurs effets et de l'épater... Indifférent, il écouta leurs plaintes et leurs critiques : pas de société, rien à faire, un morne ennui. Un pays sans charme, les Algériens brutaux et uniquement préoccupés du gain, les indigènes répugnants, faux, sauvages, au-dessous de toute critique, ridicules... Tout cela lui fut indifférent et il n'en acquit qu'une connaissance de ces mêmes camarades avec lesquels il devait vivre... Puis, un jour, brusquement, enfant des Alpes boisées et verdoyantes, des horizons bornés et nets, il était entré dans la grande plaine, vague et indéfiniment semblable, sans premiers plans, presque sans rien qui retînt le regard. Ce lui fut d'abord un malaise, une gêne. Il sentait tout l'infini, tout l'imprécis de cet horizon entrer en lui, le pénétrer, alanguir son âme et comme l'embrumer, elle aussi, de vague et d'indicible. Puis, il sentit tout à coup combien son rêve s'élargissait, s'étendait, s'adoucissait en un calmme immense, comme le silence environnant. Et il vit la splendeur de ce pays, la lumière seule, triomphante, vivifiant la plaine, le sol lépreux, en détruisant à chaque instant la monotonie... La lumière, âme de cette terre âpre, était ensorcelante. Il fut près de l'adorer, car en la variété prodigieuse de ses jeux, elle lui sembla consciente. Il connut la légèreté gaie, l'insouciance calme dans les ors et les lilas diaphanes des matins... L'inquiétude, le sortilège prenant et pesant, jusqu'à l'angoisse, des midis aveuglants, où la terre, ivre, semblait gémir sous la caresse meurtrissante de la lumière exaspérée... La tristesse indéfinissable, douce comme le renoncement définitif, des soirs d'or et de carmin, préparant au mystère menaçant des nuits obscures et pleines d'inconnu, ou claires comme une aube imprécise, noyant les choses de brume bleue. Et il aima la plaine. ...
Havell Ernest Binfield - The ancient and medieval architecture of India
Author : Havell Ernest Binfield Title : The ancient and medieval architecture of India Year : 1915...